Comment tondre sa pelouse comme un punk

#solarpunk #ecologie

Ou encore: Comment redéfinir les standards de beauté de nos espaces verts

Nos jardins à la française

Quand on pense espaces verts, on a en général deux visions en tête : Les jardins de châteaux au cordeau1 ou les parcs remplis de vastes étendues de pelouse2 ou les terrains vagues.

L’opinion publique est plutôt unanime sur le sujet, on a

Beau, civilisé Berk, déchèterie
formal garden
terrain vague

On sait que les jardins proprets sont très mauvais pour la biodiversité de la faune et la flore, la protection thermique et l’érosion des sols. Côté positif, pour nos yeux modernes c’est beau et rangé sous contrôle, donc utilisable pour s’assoir, s’allonger et marcher.

Les prairies sauvages paraissent disgracieuses et bordélique, espace perdu puisqu’on peut à peine y marcher, et encore moins s’y arrêter. Les plantes, insectes et petits animaux en profitent par contre, puis les oiseaux, etc.

On a donc deux options qui semblent complètement antagonistes mais pourtant il faut faire un choix. Ce choix doit être fait au niveau personnel pour les extérieurs de propriétés privées, et collectif pour les extérieurs publiques, souvent au niveau de la communauté de communes.

La plupart des villes tondent et ratiboisent l’intégralité des surfaces herbeuses sous leurs responsabilités.

La plupart des particuliers annihilent consciencieusement toute diversité de leurs gazons le samedi matin, avant de lancer un regard réprobateur à leurs voisins qui osent dégrader l’uniformité du quartier avec des fleurs sauvages. Certains PLU réglementent même la hauteur maximale du gazon des propriétés privées, et permettent aux voisins mécontents de dénoncer auprès de la commune les voisins désobligeants.

Alors que dès mai 2023 on s’inquiétait socialement de la sécheresse345 et de la chaleur à venir6789, il faut prendre un peu de recul et se rendre compte de l’absurdité de notre comportement.

Le jardin à l’anglaise

Le jardin à l’anglaise se développe au XVIIIeme. Le débat à l’époque en Angleterre est: « nature utile à la subsistance de l’homme et nature représentative de la grandeur de l’homme »10

On cherche à l’origine à créer des points de vue “pittoresque” où un peintre poserait son chevalet, et où aujourd’hui on ferait des photos pour Instagram.

L’objectif est ici de mettre en avant l’esthétique de la nature, en accentuant les contrastes et en épousant ses formes.

Un grand pas en avant pour l’époque, il ne manque plus que la considération écologique.

La tonte différenciée

Actuellement locataire d’un petit pavillon dans un nouveau lotissement, je suis donc sujet à cette loi qui m’impose “d’entretenir le terrain” de 100m^2 qui m’est allouée, délimité par un grillage séparant les 14 parcelles du quartier.

voisins

j’ai donc décidé d’essayer la tonte différenciée, suite à la remarque de mon voisin qu’il était temps de tondre, parce que les fleurs de mon extérieur envoient des graines sur son beau gazon, uniquement orné des merdes de son chien.

J’ai essayé de ménager la nature, mon voisin, mes enfants et mes yeux. Voici le résultat :

J’ai simplement tondu un chemin et 3 zones, ces chemins formés par contraste de tonte ont plusieurs avantages, ils :

  • invitent à la découverte
  • à différents types de plantes de pousser
  • se modifie au gré des envies à chaque tonte
  • laissent 80% de la surface totale sans intervention
  • donnent un effet “entretenu” qui me met dans la légalité

Sur une zone plus grande, on pourrait même imaginer plusieurs hauteurs de coupe différentes qui dessine des reliefs.

Bien sûr, étant donné que la plupart de la surface est laissé à sa hauteur naturelle, cette parcelle de terre a les avantages suivants:

  • Moins d’absorption de chaleur en été (vous savez, quand en voiture vous passez près d’un bosquet et soudain il fait plus frais)
  • Meilleure résistance à l’érosion des sols
  • Plus grande diversité de plantes
  • Plus grande diversité d’animaux (ben voui, les insectes butineurs aiment mon jardin, pas ceux des voisins..)
  • Plus grande diversité d’oiseaux (ben voui, les oiseaux aiment les insectes. Pas d’insecte, pas de chocolat)
  • C’est donc vivant
  • C’est plus beau (c’est un fait)

J’ai hâte de voir cet été la différence de couleurs entre le gazon grillé et ma parcelle.

Happy chat sautillant Happy bourdon butinant Happy enfant Pic-Niqant
cat
bourdon
pic-nic

L’agroécologie et la permaculture

Pour aller plus loin dans l’esprit, il faudrait flouter la frontière entre “jardin” et “potager”. C’est là qu’entre en jeux les techniques de permaculture11, avec les groupements de plantes pour gérer:

  • les différentes hauteurs
  • les saisons
  • les maladies

L’agroécologie12 est, plus qu’un ensemble de technique, une philosophie qui vise à restaurer à la fois les espaces cultivés mais aussi les humains qui les cultivent.

Piste de lecture: Gilles Clément

Je viens juste de prendre connaissance de l’existence de Gilles Clément, jardinier, paysagiste, botaniste, entomologiste et écrivain français.

Il a justement décrit ce que devait être le jardin du XXème avec ses concepts:

  • Le Tiers paysage
  • Le jardin en mouvement
  • Le jardin planétaire

À ajouter à la liste de lecture, donc.

L’esthétique Solarpunk

Tout cela s’intègre parfaitement dans la philosophie Solarpunk, qui cherche à imaginer une nouvelle esthétique, de nouvelles techniques ou de nouveaux comportements pour permettre un avenir radieux aux prochains humains.

tentative

On a vu que l’évolution de l’esthétique du “Jardin à XXX” s’est faite au gré des problématiques sociales de leurs temps:

  • conquête de la nature (Moyen-Age - à l’italienne)
  • pouvoir de l’homme (Royauté - à la française)
  • nature inspiratrice (Renaissance - à l’oriental)
  • beauté de la nature (Révolution industrielle - à l’anglaise)
  • respect de la nature (?)

On arrive simplement à une nouvelle transition. Cette transition doit être rapide pour accompagner la fameuse “transition énergétique”. Je ne pense pas qu’on puisse avoir l’une sans l’autre. L’humain doit pouvoir se projeter pour accepter le changement, et la beauté est un bon carburant pour l’imagination. La transition doit être esthétique, philosophique, technique ET énergétique.

On l’a vu dans le cas de l’entretien des espaces verts, il existe des solutions qui permettent à la fois au climat, aux animaux et aux humains de s’épanouir, le tout en s’épargnant de l’argent, de l’énergie et du temps13 (même Brut en parle 14).

Le seul coût, c’est l’effort d’imagination.

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